dimanche 29 avril 2012

PING MACHINE à Aigues-Vives Article Jazzthetik Allemagne





Article - Jazzthetik
Mensuel allemand

PING MACHINE : l’émotion comme substance principale

De Stefan Pieper
(Photo) C’est sûr, les jeunes Français de la scène parisienne qui entourent le guitariste Frédéric Maurin ont beaucoup à offrir. Cela exige du public du temps et de l’abandon.Cela devrait toujours être ainsi dans le jazz progressif. Il existe déjà bien des mets qui ont moins de substance et qui sont destinés à une simple consommation. 

« Je ne veux pas qualifier ma formation de big band » proteste joyeusement l’enjoué compositeur, chef d’orchestre et guitariste parisien Fred Maurin en sachant que la mixture venant d’être enregistrée touche à des sons et des idées d’une forme plus élevée de pluralité entre les individus. Encore une polémique: « Le terme jazz est lui aussi devenu un cliché. De telles cases ne sont malheureusement parfois conçues aujourd'hui que par le marketing. » C’est pourquoi Maurin est ravi que Ping Machine, après de nombreuses tournées, soit aussi perçu dans son propre pays par des médias non-spécialistes de Jazz, surtout depuis la sortie du CD « Des Trucs Pareils » . La première impression est que l’album est une colossale attaque frontale. De nombreux sons s’élèvent et parcourent des chemins labyrinthiques. La densité est angoissante, la notion du temps abolie, et après avoir écouté plusieurs fois le CD en boucle on émerge du voyage avec une sorte de paralysie.
Fred Maurin est un concepteur rigoureux qui met méticuleusement sur papier les partitions des quatorze membres du groupe, avant que le matériel puisse mûrir au cours  des concerts pour qu’il soit, lorsque ça se passe le plus tranquillement, enregistré spontanément avec tout l'orchestre . Maurin : « Nous sommes un groupe de live. Pourtant je consigne tout de manière très détaillée, et ce processus peut exiger pour chaque morceau un mode d’approche très différent. Beaucoup de choses m'influencent. Les techniques de composition  sérielles,  l'organisation spectrale des couleurs sonores. Peut-être aussi l'écriture rythmique  de Steve Coleman. En composant ou en jouant, je ne suis pas très conscient de ces influences. C’est juste un matériel qui est disponible et que nous utilisons quand cela est nécessaire. » Cette musique sonne et résonne ainsi grâce à la capacité d'évolution de  certains principes de composition : « Le principe du travail sur un thème et le développement qui l'accompagne a été une étape décisive dans l’histoire de la musique ; il existe n’importe où, depuis la moindre improvisation jusqu’à dans la plupart des idées musicales un tant soit peu travaillées. Mais ce n’est que la moitié du travail. Il est tout aussi important de créer le son parce que c’est justement lui qui véhicule le plus l’émotion. »
Des impressions sensorielles de couleur différente et des parties solistes qui rayonnent d’ouverture spirituelle traversent les arrangements complexes. Piano et batterie constituent la force motrice . Rafael Koerner frappe sa batterie avec vigueur, d’une manière parfois un peu rock, et cela est souvent relié à l’aide d’une courroie de transmission invisible au jeu de piano de Benjamin Moussay. Ces polyrythmes enlacés semblent vouloir proclamer un manifeste contre la domination des beats répétitifs et cela rocke souvent bien plus que ça ne swingue, jusqu’à ce que, en un instant, tout bascule et semble mener à une citation de  « Music for 18 Musicians » de Steve Reich. Mais cela n’est pas du tout important, balaye Maurin de la main : « Ceux qui nous écoutent n’ont pas besoin de connaître ces références , car ce qui compte là c'est l'émotion qu'ils recoivent. La musique pour l'auditeur ne devrait en rien être une chose technique !»
Si l’on demande ce que Maurin trouve le plus fantastique chez ses musiciens, issus de la jeune scène parisienne – peut-être que, tout comme ceux de Frank Zappa, ils disposent de quelque chose de spécifiquement fantastique-, alors il renvoie à l’émotion comme élément essentiel qui élève son groupe au-dessus d’un assemblage d'experts en techniques de jeu. « Il y a par exemple le saxophoniste Julien Soro, dont les solos me renversent à chaque fois exactement pour cette raison. Mais tous ici en sont capables. J’ai un lien particulier avec le batteur Rafaël Koerner, avec qui je travaille depuis déjà douze ans. C'est aussi l'amitié qui nous unis qui est importante dans la façon dont nous jouons tous ensemble»
Si l’on interroge Fred Maurin sur son panorama musical, alors il est très vite question du groupe français de rock progressif Magma qui incarnait au début des années 70 une synthèse forte entre la compétence extrême, le flot d’idées débordantes et l’ouverture d’esprit émancipatrice. «  Leur son était aussi original parce qu’ils ont fait leur truc sans le moindre compromis. J’essaie aussi de suivre une telle conception. » Maurin se réjouit de l’intérêt qui doucement s’éveille à l’étranger pour sa formation. Ses enregistrements sont produits en Allemagne au Studio Bauer de Ludwigsburg qui s’est en particulier spécialisé dans les grandes formations et qui a la réputation d’une qualité de son impeccable et d’une dynamique porteuse. Et là aussi, l’émotion constitue la substance principale : « Ils adorent ce que nous faisons ! Il n’y a que cela qui compte ! »


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