samedi 30 juin 2012

Micihel Cuscuna: Sauveur du label Blue Note


Cuscuna au Canada, ou la manie des incunables du Jazz

Michael Cuscuna PhotoA part les veinards bien placés qui côtoyaient outre-Atlantique l’univers afro-américain au début du XXe siècle, le jazz s’est révélé au monde occidental par un canal unique : le disque. Le mode de propagation du jazz par le support vinyle ou CD s’est poursuivi tout au long du siècle de Louis Armstrong. Dans ce domaine, pour le journaliste américain Michael Bourne, la sommité de la radio jazz new-yorkaise WBGO (du jazz 24h/24), « personne n’a davantage d’importance que l’archiviste Michael Cuscuna ». Quand Bourne l’imposant s’asseoit pour l’interview, on croirait Orson Welles s’accoudant au bar.
En toute logique, le 33e Festival International de Montréal a décerné le prix Bruce-Lundval à Michael Cuscuna, 63 ans, empereur incontesté du 33 Tours. La distinction est décernée à un acteur essentiel du développement du jazz. La contribution de ce dernier à la musique est notoire pour les amateurs. L’Américain réédite depuis trente ans les coffrets MOSAIC.Ces intégrales monumentales ratissent les diamants inédits des maîtres anciens et récents. Bourne me cite celle de Nat King Cole, crooner populaire, certes, mais dont les sessions CAPITOL ont fondé l’approche moderne du piano dans les années cinquante. Pour le journaliste allemand Karl Lippegaus, une éminence, le Saint Graal porte un nom : le coffret MOSAIC du compositeur Anthony Braxton comprenant les enregistrements du Chicagoan sur le label ARISTA. Quant à moi, je pense à l'excitation ressentie en retrouvant, sous la patte de Cuscuna, les petites formations du batteur Buddy Rich, notamment le quartet volcanique avec Flip Filips. Cuscuna, c’est l’histoire officielle… avec un supplément de documents! Les sessions complètes avec des perles retrouvées, des illustrations, des analyses.
Quand il intègre en 1975 le label BLUE NOTE, Cuscuna s'acharne à sortir de l’ombre des sessions inédites. Il déniche, compile, restaure, confère un sens à l’ensemble. Le chasseur de bandes tombe bien; le marché des rééditions explose dans les années 80. Gâtés par le Reissue Boom, les amateurs achètent. Période faste pour les Aventuriers de la rondelle perdue. Cuscuna devient leader de la catégorie. Avec son compère Bruce Lundvall, du label BLUE NOTE, Cuscuna puise dans les soutes d'autres glorieuses étiquettes (Impulse, Atlantic, Columbia). Exhume des joyaux méconnus. Restaure les copies mal préservées. On lui doit la récente parution du Quartet de Thelonious Monk avec John Coltrane à Carnegie Hall. Une réédition sublime. Pour autant, Cuscuna ne se borne pas aux antiquités. Dans la conférence de presse de remise du prix, l’archiviste estime que nombre de jeunes brillants jouent dans les clubs à New-York. Il cite Jason Moran parmi les étoiles montantes. Le mémorialiste émet une pertinente réserve sur les CD : « pourquoi obligatoirement enregistrer 70 minutes sur le disque? 45 minutes, c’est déjà pas mal. Il faut éviter que la création s’émousse ». Il n’y a pas que les musiciens à décrocher des Grammies Awards. Lui-même en a eu trois. Pour Nat King Cole, Miles Davis et Billie Holiday. La propagation du jazz n'est pas prête de s'achever. Les générations futures peuvent lui dire merci.

Bruno Pfeiffer
CD
The complete Arista recordings of Anthony Braxton
MOSAIC RECORDS (8cd)         http://www.mosaicrecords.com/ 
lien Libération:

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