jeudi 10 janvier 2013

Claude Nobs, fondateur de Festival de Jazz à Montreux vient de nous quitter


HOMMAGE

En perdant Claude Nobs, le plus grand festival du monde est orphelin

Par François Barras. Mis à jour à 00h32 
Avec la mort de Claude Nobs, c’est une époque qui s’achève. Celle où l’audace, la passion et l’imagination avaient plus de poids que des diplômes et la maîtrise de présentations PowerPoint.
Claude Nobs à la barre d'un bateau de la CGN. «Funky Claude» vogue désormais au-dessus des nuages.
Claude Nobs à la barre d'un bateau de la CGN. «Funky Claude» vogue désormais au-dessus des nuages.
Image: DR

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www.EcoCup.fr/Concerts-Jazz«Je souhaite que l’on me laisse mourir, l’heure venue. Je n’ai pas peur.» Au gré de ses innombrables interviews, Claude Nobs n’a jamais beaucoup parlé de la mort, moins encore de Dieu. Le fondateur du Montreux Jazz Festival (MJF), 76 ans, redoutait un paradis fait de gentils angelots, perspective bien fade pour celui qui, sa vie durant, côtoya les divinités exubérantes de la musique pop… On s’y attendait et pourtant la nouvelle nous a frappés, tard hier soir: il s’est éteint paisiblement au CHUV, entouré de son ami Thierry Ansalem, de sa famille et de ses proches, «malgré les efforts admirables des équipes médicales», précise le communiqué du MJF. Il sera incinéré dans la plus stricte intimité. Puis, conformément à son souhait, un événement tout en musique sera organisé à Montreux ultérieurement, suivi d’autres manifestations à New York et à Londres.
Une chose est certaine: le self-made-man de Territet, créateur d’un festival parmi les plus renommés, n’aura jamais été là où on l’attendait. Les circonstances même de sa mort auront été surprenantes: l’homme de la nuit et de la fête est décédé après une chute à skis de fond, survenue le 24 décembre dernier, près de son chalet de Caux. Le directeur du Montreux Jazz Festival était depuis plongé dans un coma opaque, d’où il n’est pas ressorti.
Audace et passion
Avec la mort de Claude Nobs, c’est une époque qui s’achève. Celle où l’audace, la passion et l’imagination avaient plus de poids que des diplômes et la maîtrise de présentations PowerPoint. Le mythe du fils de boulanger devenu confident des stars s’est bâti sur du culot, des poignées de main échangées et des boîtes de chocolat offertes. Et des T-shirts, les siens, ôtés et donnés sur un coup de tête – par exemple à Miles Davis, lorsque le «petit Suisse», en 1963, croisa pour la première fois l’Américain déjà géant du jazz et s’en fit un ami fidèle.
Ces anecdotes fondatrices, le créateur du MJF ne se lassait pas de les raconter. Elles avaient la saveur des belles histoires où s’épanouit la légende. En les inscrivant dans le grand livre de la musique, Claude Nobs a connecté au monde son bout de région lacustre, propulsant une station balnéaire pour Anglais à la retraite en nec plus ultra de la branchitude pop.
La Suisse romande a admiré l’entrepreneur solide en même temps qu’elle a apprécié l’homme de spectacle, le bon vivant aux fiestas folles, l’hôte facétieux au toupet si peu «terroir». Un pied à Territet, les oreilles à Nashville et l’esprit entre Los Angeles et New York, havres de l’industrie du disque. A 6 ans, le petit Claude classait par étoiles les 78 tours paternels et rêvait devant les trains électriques. La musique et les voyages traceront sa voie. L’Office du tourisme de Montreux l’emmène aux Etats-Unis, où il force la porte du fameux label Atlantic. Les frères Ertegun lui promettent leur aide pour réaliser son rêve: créer un festival jazz à Montreux. La première édition, en 1967, est un succès malgré un budget de 10 000 francs. L’histoire est lancée, elle ne s’arrêtera pas. L’été dernier, le 46e chapitre, au budget de 20 millions de francs, a été un nouveau succès.
Entier, généreux en attention avec les artistes et en coups de gueule avec les médias, travailleur acharné qui n’eut de cesse de faire prospérer «son bébé» autour du monde (ces dernières années avec l’ouverture de Jazz Cafés de Genève à Sydney et Londres, bientôt à Paris), Claude Nobs n’avait d’autre plaisir que de transmettre son amour pour la musique. Ce collectionneur aux 50 000 vinyles, harmoniciste doué, n’a jamais enregistré de disque. Mais il a fait d’un festival une œuvre d’art. Elle lui survivra.

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