dimanche 13 octobre 2013

Ellery Eskelin

Le saxophoniste new-yorkais Ellery Eskelin était à Junas en 2010

11/10/2013

ELLERY ESKELIN NY TRIO - DE SINGER


Je ne pouvais pas rater la venue, ce mercredi 9 octobre au Singer, du trio de Ellery Eskelin.
J’avais vu, avant l’été, le saxophoniste à New York (Au Cornelia Street Café) dans une toute autre configuration.
de singer,ellery eskelin,gary versace,gerald cleaver
Ce soir, c’est avec Gary Versace (Hammond B3) et Gerald Cleaver (dm) qu’il se présente à l’occasion de la sortie du deuxième volume de son NY Trio avec lequel il revisite quelques uns des plus célèbres standards de jazz.
Bien entendu, le groupe ne se contente pas de reproduire ces «classiques» tels quels. Il les absorbe, les mâche, les digère, se les approprie et nous les renvoie plus brillants, plus étonnants et plus indispensables que jamais.
Devant un public assez nombreux, les trois musiciens se lancent dans le vide, sans filet.
On dirait trois satellites tournant chacun sur leur orbite. Chacun façonnant son univers. Pourtant, l’objectif est  commun : atteindre l’essence même d’une mélodie. Alors, petit à petit, un peu à l’ East Of The Sun et au West Of The Moon, le thème se révèle.
Les circonvolutions d’Ellery Eskelin se mélangent à la poésie concrète du jeu de Gary Versace, tandis que Gerald Cleaver impose un bouillonnement rythmique aussi précis et obnubilant que décalé et foisonnant.
Le trio a une façon bien personnelle de déconstruire les compositions. Il démonte d’abord le thème puis éparpille les morceaux - comme lors de cette longue introduction inspirée d’Eskelin, qui brouille les pistes, fait table rase de tout ce que l’on connaît pour ne garder que quelques indices – avant de tout réagencer. Tout s’éclaire alors et le morceau s’offre à nous sous un jour totalement nouveau. Tout ce chemin, reprit à l’envers ou de travers, nous mène à un «We See» deThelonious Monk, terriblement bebop, plutôt déglingué mais aussi terriblement neuf.
de singer,ellery eskelin,gary versace,gerald cleaver
Ce qui est amusant – car le jazz est un jeu amusant – c’est que nos trois musiciens arrivent à extraire quelques notes des œuvres, quelques phrases, quelques mots – comme si l’on tiraient quelques mots essentiels d’une pièce de Shakespeare ou d’une œuvre de Proust – pour les replacer dans un autre contexte, plus actuel, plus brut et plus abstrait parfois. Mais chaque fois, ou presque, on en reconnaît instinctivement l’origine. Si le fruit a une autre forme et une autre saveur, la racine est la même. Serait-ce aussi le fait que le trio n’oublie jamais le swing et le groove qui font, sans aucun doute, partie de l’ADN de cette musique ?
Et puis, il y a aussi beaucoup de soul et de blues dans le jeu très particulier et très contemporain de Versace. C’est brillant de vivacité et d’idées. Ses échanges complices avec Gerald Cleaver sont d’une insidieuse efficacité. Le batteur s’amuse à varier les tempos pour offrir ainsi un niveau supplémentaire de lecture à «If I Had You», «After You've Gone» ou encore «Just One Of Those Things». Eskelin, quant à lui, possède un son âpre et urbain, bien ancré dans son époque. Mais on le sent aussi terriblement attaché à la tradition (il y a du Rollins, du Webster ou même du Lester Young là-dessous).
En les revisitant de la sorte, le trio démontre que ces standards sont d’immenses terrains de jeu, propices à un jazz très ouvert et très improvisé et où tout est permis… à condition d’en connaitre les règles sur le bout des doigts. Et à ce jeu-là, le NY Trio n’a de compte à rendre à personne.



http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=6jrd-cJXo4E

Article Ellery Eskelin écrit par Jacques Prouvost: http://jazzques.skynetblogs.be/archive/2013/10/10/ellery-eskelin-ny-trio-de-singer-7951355.html?c

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