lundi 10 juillet 2017

SAMUEL SILVANT QUARTET par Olivier Acosta de Citizen Jazz

SAMUEL SILVANT QUARTET

DE L’AUTRE CÔTÉ DE LA VOIE FERRÉE

Olivier Thémines (cl, bcl), Philippe Deschepper (g), Bernard Santacruz (b), Samuel Silvant (dms)
Label / Distribution : Juju Works


L’influence de Paul Motian sur Samuel Silvant est évidente. Elle est palpable dans son jeu de batterie, sa manière de suggérer le rythme, de générer des flux, de jongler avec les tensions, mais aussi dans ses choix esthétiques, sa propension à faire que la musique demeure voluptueuse tout en soulignant sa fragilité, en la laissant évoluer au bord du vide.
Outre les précieux 
Olivier Thémines et Bernard Santacruz, les membres de son trio, le batteur convie pour ce répertoirePhilippe Deschepper, croisé à l’occasion d’un double plateau sur le festival de Junas il y a sept ans. On se souvient du magnifique Le Vent du soir, qui avait mis en lumière la délicate alchimie du trio. S’y ajoute cette fois le concours, constamment inventif dans le placement, le phrasé comme dans le son, du guitariste.
Evoquer Paul Motian à travers ses propres compositions (ici majoritaires), en les interprétant selon des codes propres au batteur américain est une gageure, tant son univers est singulier et solidement ancré dans l’esprit de nombre d’auditeurs. Mais comme Samuel Silvant le précise dans les notes de pochette signées par Xavier Prévost, il s’agit d’avantage de continuer à faire vivre cet héritage musical que de chercher à le calquer. De fait, si l’on retrouve les ambiances vaporeuses et séraphiques de Motian, le quartet s’approprie ce matériel compositionnel et cette sensibilité, les détourne pour proposer un angle neuf.
De l’autre côté de la voie ferrée, dont on ne fera pas ici l’inventaire exhaustif des qualités plastiques, est également un disque conçu comme un voyage, ou plutôt un passage. Car si la première partie du disque révèle des échanges vifs, des procédés narratifs laissant beaucoup de place au non-dit ou des épisodes saturés de cette poésie décalée que Bill Frisell a si bien su servir, la seconde partie, après la pièce charnière qui donne son titre au disque et qui est signée par Samuel Silvant et Philippe Deschepper, voit le propos s’adoucir, les rythmes se stabiliser, les interactions s’assouplir. On imagine tout d’abord la fièvre de la figure tutélaire, ses prises de position tranchées, ses poèmes anthracite. Paul Motian dans l’effervescence de la création. Puis, de l’autre côté (de la voie ferrée), l’esprit apaisé, le chant tranquille.
Les quatre musiciens, dans ces registres tantôt tendus, tantôt suspendus, font preuve d’une égale élégance, la multiplicité des axes d’écoute (solos, jeux réflectifs, masses sonores…) faisant de ce disque profond et abouti un objet sonore magnifique sur lequel on revient avec un plaisir grandissant. Pas une seule fois n’affleure le sentiment d’écouter une copie propre. Au contraire, la capacité de réinvention du groupe interpelle, et l’on effectue ce voyage en ayant l’impression de voir pour la première fois ces paysages traversés par le passé, leur beauté se trouvant éclairée d’une lumière nouvelle.



par Olivier Acosta // Publié le 9 juillet 2017

Aucun commentaire: